Un débat riche et intéressant. Les 3 intervenants, ainsi que les échanges avec le public, ont été d'une grande richesse. Nous avons ainsi pu découvrir tout l'intérêt de cette pratique encore très modeste dans notre région et les obstacles à franchir pour son développement.
Il faut dire que nous avions avec Mylène Laroche, de "passemeprendre.com" une interlocutrice qui sait de quoi elle parle, elle qui n'hésite pas à prendre son bâton de pélerin pour aller à la rencontre des entreprises, des écoles, des particuliers ... pour défendre sa cause. Elle va jusqu'à travailler avec une psychologue afin d'identifier les freins au co-voiturage.
Quand elle interroge les gens dans la rue, plus des 2/3 se déclarent prêt à utiliser le co-voiturage, notamment pour se rendre à leur lieu de travail. Le problème, c'est qu'en définitive il n'en reste plus que 5 % (au niveau national) qui le pratiquent vraiment. L'écart entre les paroles et les actes reste donc immense. Peur de changer ses habitudes, de partager son intimité, d'aller vers les autres ... Il s'agit avant tout de changer les mentalités. Mais elle garde un moral d'acier et est persuadée que ce mode de déplacement à de l'avenir, particulièrement le jour où les prix des carburants remonteront à nouveau sensiblement.
Du côté des Collectivités, il ne se passe pas grand-chose, selon elle. C'est vrai que des sites fleurissent un peu partout (Com Com, Pays ...) mais cela manque fâcheusement de cohésion. Une démarche homogène et unitaire au niveau de la Région Alsace serait la bienvenue. On en est loin, pour le moment. Pour les festivals comme Décibulles, idem. Mylène propose mais les jeunes ne disposent que très peu. Ne parlons pas des fêtes culturelles, sportives ... Bref, le "chacun chez son automobile", comme disait la chanson de Claude Nougaro, est encore bien vivant dans les esprits.
Côté étudiants, ce n'est pas mieux. Cela fait 5 ans que l'on parle d'une plate forme CUS/Conseil général, par exemple. Et depuis 5 ans, rien ! A croire que nos élus ont du mal à avoir des visions d'avenir dans les domaines de l'inter-modalité. pourtant, nous sommes bien au 21 è siècle.
C'est la thèse que défend Eric Gignet, élu à Wattwiller et président de la commission environnement, transport du Pays Thur Doller. Pour lui, il faut mettre en place des politiques de mobilité pertinentes dans chaque territoire, avec le plus d'offres possibles pour les habitants, mais aussi pour les entreprises. Ces dernières étudient particulièrement ce point dans leurs décisions d'implantation. Donc, une bonne offre en matière de déplacements, notamment collectifs, est un facteur de développement économique. Eric Gignet met également en avant les aspects sociaux. Il est nécessaire d'anticiper rapidement les profonds bouleversements que connaît notre société, et cela passe par une offre en transports collectifs suffisante pour que des familles ne soient pas obligées de quitter des territoires parce qu'elles ont de trop grandes difficultés à se déplacer, ou qui se retrouvent dans des situations financières intenables. Et c'est ce qui se passera le jour où le prix du pétrole remontera sensiblement comme en 2008, pour ne plus descendre en-dessous de certains seuils. Pour notre élu, les modes de déplacements doivent se compléter, et être à des coûts accessibles, le contraire de la politique actuelle de la SNCF. Et le co-voiturage a toute sa place dans ce dispositif, mais ne remplacera jamais des transports en commun digne de ce nom, train, tram-train, bus ... En Suisse, 30 % des salariés vont à leur travail en train.
L'exemple désatreux de Guebwiller et du Florival a bien sûr été pointé du doigt : pas de train alors qu'une large majorité des actifs travaille en-dehors de la vallée. Aucun projet à l'horizon ! Des parcours de combattants pour aller en bus vers Mulhouse ou Colmar. Les étudiants ont un avis sur la question, c'est sûr, et leurs parents aussi. A côté du rond point du Nouveau Monde à Bollwiller, un parking de co-voiturage "sauvage" semble s'être organisé depuis plusieurs années.
Faut-il reparler du collège de Buhl et de son absence de desserte, de piste cyclable ...? Le tout voiture est décidément encore la priorité de nos décideurs.
Corinne Flota, chargé de mission auprès du Pays Rhin Vignoble Grand Ballon a rapidement évoqué le projet d'un site de co-voiturage à l'échelle du Pays justement, mais déplore également l'absence d'une politique régionale, avec un site internet unique. L'expérience du Pays Thur Doller reste très modeste pour l'instant (200 inscrits par an) comme sur la Com Com de Kaysersberg, du reste. Quelques idées ont été émises : développement du GPS pour mise en relation des co-voitureurs, du tél mobile, pointer des "stops" en bord de route comme en Belgique, faire de la pub mais cela a un coût ...
Enfin, Jean Baptiste Schmider a présenté son entreprise de partage, de mutualisation de voitures, "auto'trement". Parti de rien sur Strasbourg, il se targue aujourd'hui de 1800 utilsateurs pour un parc de 80 véhicules avec 40 stations en Alsace. Belle réussite, et ce n'est pas fini ! "être propriétaire, ça rend bête, on ne réfléchit plus comment faire autrement", nous dit JB. Pour l'achat d'une voiture, les urbanistes prévoient 7 à 8 places de parking, entre le logement, le supermarché ... La voiture envahit encore trop l'espace. Il faut revenir à un mode d'urbanisme permettant d'utiliser des alternatives, ce qui aura aussi des conséquences positives sur le lien social (crétion d'espaces de rencontre ...). Les stations d'auto-partage sont souvent près des gares. Pour Guebwiller, par xemple, il faut que 10 personnes au moins adhèrent. A ce moment-là, on est prêt à mettre une voiture. Dans les grandes villes, cela remplace une voiture au foyer. Mais l'auto-partage n'est pas fait pour les trajets travail.
Voilà un résumé de cette soirée très enrichissante !